Les pratiques de l'interopérabilité : évolution et prospective

Le paysage supposé des pratiques du BIM en 2050

Pour bien comprendre l'intérêt de ce qui suit, il faut que votre état d'esprit, cher lecteur, soit celui d'un étudiant ou d'un professionnel qui ait l'ambition de jouer un rôle de manager dans

  • un Bureau d'Etude d'Ingénierie,

  • un Cabinet d'Architecture,

  • un Bureau des Méthodes d'une entreprise,

  • un Maître d'Ouvrage Public ou privé,

  • un Office d'HLM,

  • un Service de l'Etat, ...

  • et plus généralement dans une structure pratiquant ou bénéficiant de l'interopérabilité dans la conduite des études au cours de la vie numérique du bâtiment.

Il faut aussi que votre formation vous donne les moyens d'assumer cette responsabilité.

En particulier, l'interopérabilité ouvrant aussi un marché sans frontières, par définition prédisposé à l'exportation, la maîtrise de l'anglais est incontournable, ainsi qu'une formation commerciale, financière et de droit.

La projection du futur paysage est simplement basée sur une logique de généralisation progressive des pratiques de l'interopérabilité qui ne rencontrent plus d'obstacles.

Elle n'est pas le fruit d'une imagination délirante. La progression envisagée et imaginée ne fait que répondre à un marché potentiel qui devient disponible, à un besoin, bien réels.

Simplement, la date avancée de 2050 est évidemment indicative, tant le nombre de facteurs et de conditions à réaliser est élevé. Les impondérables sociaux, économiques et politiques, les crises soudaines et violentes, font que les projections resteront toujours incertaines dans un monde à la recherche de nouveaux équilibres, avec des priorités changeantes.

Nous nous proposons d'examiner ce qui pourrait se produire par catégories d'acteurs.

Mais brossons d'abord le paysage général de la conduite des études de projets, qui constitue malgré les incertitudes un objectif à atteindre.

Le BIM normalisé, traduit trop restrictivement en France par « maquette numérique », est devenu le seul et unique outil pour concentrer les informations techniques à échanger d'un projet. C'est vrai pour un projet nouveau, mais aussi pour une « requalification » d'une construction existante, marché mondial inépuisable pour le 21ème siècle, surtout pour les pays qui ont adopté une politique de maitrise du développement durable.

Les études de construction traitées en procédure « séquentielle » ont presque disparu.

Le BIM est bien évidemment matérialisé par une base de données centralisée pérenne.

Il est doté d'un environnement de logiciels graphiques et alfa-numériques spécifiques et transparents pour le (logiciel) métier qui se connecte.

Avec ce « langage d'accès multiforme et multi-vues», chaque métier est capable d'ajouter, extraire, consulter, partiellement ou globalement, de l'information graphique ou alphanumérique selon l'autorisation qu'il a reçue contractuellement lors de la signature d'un contrat d'interchange[1] intermétier, au moment de la constitution d'une équipe de partenaires interopérables. Puis tout au long de la vie numérique du bâtiment pour son exploitation.

Cette équipe peut, selon le contexte, être constituée uniquement pour une opération ponctuelle, ce qui apporte une réponse souple à la mondialisation des études dans une équipe internationale.

Au contraire, l'équipe de partenaires de maîtrise d'œuvre peut devenir permanente sous la forme d'une société de moyens ou de cabinet d'ingénierie. Elle peut aussi devenir le département d'une Entreprise, répondant au contexte des marchés globaux Conception-Réalisation[2]. Cette organisation reproduit ainsi des structures d'étude et de production déjà répandues dans certains pays anglo-saxons.

Mais posséder « tout un arsenal d'outils numériques statiques» pour gérer le stockage et les accès de l'information normalisée du Bâtiment n'est pas suffisant pour pratiquer l'interopérabilité. C'est juste un préalable, une étape incontournable.

Nous avons encore de la difficulté à imaginer pour 2050 comment sera réalisée l'étape suivante, celle de la dynamique des échanges.

Vraisemblablement, la compétence d'un ou deux coordinateurs responsables de cette dynamique, ou d'un collège d'experts pour les grosses opérations, comblera le manque d'un deuxième modèle, normalisé ou pas, et de plusieurs outils logiciels nouveaux.

Dans cet objectif, un premier métier est apparu. Appelons-le « le Coordinateur de l'Interopérabilité ».

C'est le professionnel dédié à la conduite et à la synthèse des échanges.

C'est le « cerveau » de la dynamique des échanges.

Il porte la responsabilité technique de l'équipe de la maîtrise d'œuvre, donc des études du projet. Dans un premier temps, il préside une structure collégiale pluridisciplinaire de type collège d'expert (Architectes, ingénieurs, économistes) pour que les prises de décisions nécessaires face aux simulations soient fondées sur des analyses multicritères.

Mais en dernier ressort, c'est le responsable de la synthèse et décide en cas de conflit de contraintes.

Dans un deuxième temps, et progressivement, il s'appuiera sur des outils d'aides à la décision, et peut être sur un modèle de gestion dynamique des échanges ( voir au chapitre 7.2 : Un diagramme UML pour chaque point de vue, et surtout l'unité 9).

Simultanément, un deuxième métier vient naturellement prendre sa place dans le paysage du secteur de la construction : l'opérateur du BIM, personnage qui dépasse en pouvoir et en compétence celui d'administrateur classique d'une base de données informatique.

Il est en effet « du métier ». C'est lui qui est garant de la cohérence des informations techniques du bâtiment modélisé, devenues contractuelles, contenues par le BIM tout au long de son exploitation. Il contrôle la conformité des données transmises à la norme IFC.

Il rapporte bien évidemment au coordinateur de l'interopérabilité.

Appelons provisoirement cette fonction « Administrateur du BIM[3] ».

Le premier métier est plus proche de la collaboration entre les partenaires, le deuxième plus proche du système d'information.

Ces deux spécialités peuvent être cumulées par une seule personne physique, par exemple pour les petits projets.

Qui de l'architecte ou de l'ingénieur, ou de l'économiste, ou des coordinateurs, métiers actuels, prendra ces deux nouvelles missions ?

Le critère de sélection sera certainement et uniquement celui de la compétence.

Mais que seront devenus justement ces « vieux » métiers ?

  1. Contrat d'interchange

    Le contrat d'interchange est composé d'un ensemble de pièces écrites spécifiques à joindre aux marchés d'étude et de travaux. I

  2. conception-réalisation : La conception-réalisation est un type particulier de marché dans lequel le maître d'ouvrage confie simultanément la conception (études) et la réalisation (exécution des travaux) d'un ouvrage à un groupement d'opérateurs économiques ou un seul opérateur.

  3. BIM : Building Information Modeling : processus qui permet à tous les les intervenants d'avoir accès aux mêmes informations numériques en même temps grâce à l'interopérabilité entre les plates-formes technologiques..(voir Building Information Model et Building Information Management)

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