Historique, vocabulaire, perception
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La défaillance, résultat d'une conjonction de facteurs défavorables

La rupture résulte donc, dans la plupart des cas de la conjonction de plusieurs facteurs défavorables. Ces facteurs peuvent être liés à la prise en compte des actions (actions imprévues ou sous-estimées), à la prise en compte des capacités des matériaux (reconnaissance insuffisante, matériaux nouveaux, mal maîtrisés), à des erreurs de calcul ou de modélisation. A ces facteurs s'ajoute souvent un manque de soin dans la réalisation et des insuffisances dans le contrôle. Chacun de ces paramètres a des implications sur le niveau de sécurité de l'ouvrage. Dès lors, il est essentiel, pour réduire les risques (et les quantifier le plus exactement possible), de préciser le rôle joué par chaque facteur.

Définition : Facteurs de risque

Les éléments qui interfèrent de telle façon sur le danger qu'ils augmentent ou réduisent la probabilité d'occurrence des effets néfastes ainsi que leur intensité. L'identification des risques repose sur une identification de ces facteurs, et de leur influence sur les risques.

Raikar [Raikar, 2001] rassemble en huit rubriques les causes les plus classiques des effondrements de bâtiments :

  • défaut de portance du sol qui peut être du à des tassements différentiels, à la présence de cavités, à l'érosion interne du sol sous l'effet de circulations d'eau...

  • basculement de l'ouvrage sous l'effet d'une dissymétrie des chargements ou des tassements induits sur les fondations,

  • instabilité des poteaux trop élancés,

  • défaut de résistance et écrasement des poteaux porteurs,

  • défaut de résistance aux efforts gravitaires, causés par exemple par la suppression ou la modification d'éléments porteurs lors de réparations ou d'aménagements,

  • mauvaise prise en compte des efforts latéraux,

  • défauts de conception, par exemple sous-dimensionnement manifeste de certains éléments, pouvant conduire à des défaillances localisées,

  • rupture en cisaillement, ou combinaison des causes précédentes.

L'inventaire des causes n'est cependant que le point de départ de l'analyse. Une première analyse permet de citer, en les regroupant par familles, les facteurs qui ont pu contribuer, comme cause principale ou secondaire, à la défaillance de l'ouvrage :

  • les actions : actions subies par l'ouvrage non prises en compte lors de la conception, ou actions d'intensité exceptionnelle (protection non assurée a priori),

  • les matériaux : propriétés des matériaux mis en œuvre (ou des sols) plus faibles que celles escomptées lors de la conception,

  • les calculs : modèle de conception et de calcul erroné ou trop simpliste,

  • la mise en œuvre et/ou le contrôle : qualité insuffisante de la mise en œuvre (par exemple non respect des prescriptions) et/où contrôle insuffisant.L'exploitation : conditions d'exploitation différant sensiblement de celles prévues initialement.

L'analyse des défaillances confirme la multiplicité des facteurs qui peuvent expliquer (a posteriori) les événements observés. Elle a permis l'émergence récente d'une nouvelle spécialité d'ingénieur : le « forensic engineer ». Ce spécialiste (la traduction littérale « ingénieur forensique » est un néologisme) est, dans les pays-anglo-saxons, l'expert en analyse de défaillance [Raikar, 2001]. On peut aisément se convaincre du dynamisme de cette discipline en tapant les mots-clés « Hyatt », « failure » et « 1981 » sur un moteur de recherche. On a directement accès à plus de 100 000 références !

Définition : Ingénierie forensique

Discipline de l'ingénierie qui consiste à développer des méthodes d'investigation scientifique et à analyser les accidents pour en identifier les causes, à la manière d'une autopsie.

La maîtrise de la sécurité des constructions doit tenir compte de cette multiplicité des causes et de cette grande diversité des modes de défaillance. L'analyse pourra en être approfondie en étudiant les scénarios de défaillance, par exemple sur des familles d'ouvrages de même nature, de manière à tirer des conclusions à caractère générique.

Définition : Mécanisme de défaillance

Processus physique à l'issue duquel les performances exigées d'un système ne sont plus satisfaites. La description du mécanisme de défaillance repose sur la modélisation de la succession causale des états qui conduit à la perte de performance.

Définition : Mode de défaillance

Processus qui, à partir d'une cause intérieure ou extérieure au bien, entraîne la défaillance du bien considéré. (NF X60-010)

Définition : Scénario

Une séquence d'états intermédiaires d'un système qui permet de passer d'un état initial à un état final. Le scénario définit une suite de circonstances pertinentes pour la phase d'estimation des risques.

La sécurité effective d'un ouvrage résulte donc des efforts entrepris à chacune des étapes (conception, construction, exploitation) de la vie de l'ouvrage. La multiplicité des intervenants concernés (bureaux d'étude, bureaux de contrôle, entreprises de construction, fabricants de matériaux et de produits, exploitants...) ne doit pas conduire chacun à agir au détriment de la sécurité, en comptant sur les autres pour assurer le fonctionnement satisfaisant du système. Elle justifie, au contraire, une approche rationnelle et partagée de la sécurité, où chacun peut, dans son domaine de compétence (conception, fabrication, réglementation, contrôle...), faire en sorte que les niveaux de qualité et de la sécurité visées soient assurés.

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