Les enjeux de l'interopérabilité en AEC

Construire à l'économie

Pour construire vite et « pas cher », le défi était encore plus important. Il fallait abandonner les technologies artisanales du « tout fait à la main », sur le chantier. Il y avait aussi pénurie de main-d'œuvre. L'importation d'une main-d'œuvre non qualifiée de pays en développement et nord-africaine ne résolvait pas le problème.

Le Bâtiment a donc adapté des méthodes issues de l'industrie : préfabriquer le maximum de composants en usine, puis se contenter de les transporter et de les assembler sur le chantier.

Dans un premier temps, on a cherché à imiter les composants de maçonnerie, ce qui a donné naissance à « la préfabrication lourde ». Elle était « sur mesure », c'est à dire qu'aucune standardisation n'existait, ni pour les composants de gros œuvre, ni pour la plupart des composants du second œuvre.

Le Bâtiment s'est heurté à un deuxième problème de communication : le sur-mesure montrait ses limites économiques. La préfabrication en usine ne permettait pas d'économies sur les études, complexifiait les dossiers de plans, les appels d'offres, interdisait la réduction du nombre des fournisseurs et leur interchangeabilité ...

Contrairement à l'industrie pour qui le concept de grande série existait depuis longtemps, chaque bâtiment était encore un prototype presque jamais suivi de séries.

Bien sûr la tentation était grande de reproduire le même bâtiment plusieurs fois. Cette pratique de certains maîtres d'ouvrage publics a marqué irrémédiablement les esprits autant que le paysage. Le chemin de grue déterminait le plan de masse de l'opération.

Pour éviter cette impossibilité technique de communiquer pour concevoir économiquement, on a inventé des "règles de coordination dimensionnelles" (autour de 1972), ce qui effectivement a conduit à standardiser les plans eux-mêmes.

Ce qui aurait pu constituer un progrès architectural, si cette initiative avait été bien traitée, comme dans les bâtiments anciens de Venise, par exemple, et plus généralement comme dans les innombrables réussites des siècles passés basées sur la répétition d'un module.

Mais ce ne fut pas le cas. Assembler des éléments pauvres conduit à aggraver la pauvreté de l'ensemble.

Heureusement,  le paysage urbain reprenait un aspect plus acceptable grâce à une décision politique (du moins en France, sous l'impulsion de la présidence de Giscard d'Estaing) par l'interdiction des grands ensembles et des tours de grande hauteur pour le logement.

Ce qui a rapidement mis en faillite les usines de préfabrication lourde, et a donné naissance à la préfabrication légère, laquelle n'avait pas besoin de règles de coordination dimensionnelle aussi strictes.

Cette forme de préfabrication perdure encore (charpentes et structures métalliques ou en bois, planchers légers, façades légères).

Par ailleurs, essentiellement pour des raisons économiques, le retour au gros œuvre traditionnel (blocs de béton ou de briques, béton banché coulé sur le chantier, plaques de plâtre et d'isolation à découper sur place) a replongé le secteur dans son organisation artisanale archaïque à peine améliorée, à partir des années 1970-80.

Le problème de la communication entre les professionnels ne se trouvait donc pas résolu pour autant. Il empirait.

PrécédentPrécédentSuivantSuivant
AccueilAccueilImprimerImprimerRéalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)