Evaluation et gestion des risques
CoursOutils transverses

Le plan d'actions de réduction des risques

Introduction

La maîtrise des risque suppose aussi de réduire les risques inacceptables, ce qui signifie la mise en place d'un plan d'actions pour mitiger les risques.

Plusieurs approches sont envisageables. Tout d'abord, il convient de savoir si le plan d'actions de réduction des risques est indépendant des autres actions patrimoniales, notamment du plan de conservation qui contient les gros travaux d'entretien et de maintenance et de celui d'aménagement qui répond aux demandes d'adaptation des clients.

S'il est indépendant, il possédera ses propres contraintes de budget et de ressources, il sera alors plus facile d'arbitrer pour mettre en place ce plan d'actions de limitation des risques, sans entrer en concurrence avec d'autres finalités. Cependant, il faudra correctement gérer la cohérence avec les autres plans afin d'éviter de lancer des actions concurrentes ou contradictoires, comme par exemple, programmer des travaux de mise en conformité électrique dans un bâtiment qui sera réaménagé.

Bien évidemment, l'intérêt est de ne gérer qu'un seul plan d'actions, qui inclut tous les types d'actions patrimoniales, de conservation, d'aménagement, d'évolution et de réduction des risques.

Le gestionnaire met alors véritablement en place une approche globale de pilotage du parc immobilier. Il convient de noter que dans certaines structures, les contraintes de comptabilité analytique ne permettent pas de gérer de manière homogène l'ensemble de ces actions ; Dans ce cas, le gestionnaire est obligé de gérer indépendamment chaque typologie d'actions et d'en assurer la cohérence métier par ailleurs.

Principe du plan d'actions pluriannuel glissant

Le schéma suivant décrit le fonctionnement classique d'un plan pluriannuel glissant.

Le gestionnaire collecte toutes les demandes d'actions de limitation des risques.

Une fois par an, lors de la préparation de l'année budgétaire, c'est à dire à en octobre novembre, le gestionnaire analyse l'ensemble des actions et en fonction d'un certain nombre de critères, va décider soit de les garder, soit de les éliminer.

Il positionnera alors celles qu'il va garder selon un échéancier pluriannuel, sur une période de 3, 4 ou 5 ans.

Pour ce qui concerne la réalisation des actions, seule la première année du plan sera programmée réellement pour une réalisation effective.

Une année plus tard, au mois d'octobre ou de novembre, il collecte les nouvelles actions de réduction de risques, met à jour celles qui le nécessitent, puis sur la base du plan pluriannuel glissant en cours, tout en ajoutant une nouvelle année au plan, il ré-organise les actions. Effectivement, il ne s'agit pas simplement de rajouter une année sur la pile, mais il faut tenir compte de l'évolution de l'état risque, ce qui fait que certaines actions peuvent être avancées, d'autres reculées, voire supprimées du plan.

Exemple de plan pluriannuel glissant sur 4 ans
Exemple de plan pluriannuel glissant sur 4 ans[Zoom...]

La description d'une action de limitation des risques

La logique classique de constitution d'un plan pluriannuel repose généralement sur la demande en ressources financière et éventuellement l'urgence des actions proposées. Ces informations s'avèrent largement insuffisantes pour réaliser réellement une sélection des actions qui conduira à la meilleure réduction du risque compte tenu des contraintes.

La description d'une action doit être beaucoup plus riche, et surtout porter réellement la notion de risque qu'elle entend réduire.

Trois groupes de champs sont nécessaires pour qualifier une action :

  • Les champs descriptifs

    Ils correspondent à tous les champs qui permettent de décrire l'action. Ces champs varieront selon l'organisation de l'entreprise et de celle de la fonction patrimoniale. Classiquement, nous retrouverons des champs tel que l'identifiant et le libellé de l'action, le lot technique auquel elle appartient, le responsable qui la proposée et l'objet patrimonial concerné (souvent le bâtiment).

  • Les champs de moyen

    Les champs de moyen concernent ce qui est nécessaire à la réalisation de l'action. Le plus évident, et souvent primordial, est le coût de l'action. Mais on peut aussi avoir d'autres champs tels que le délai, les moyens humains, etc.

    Globalement ces champs qui expriment des besoins en matière de ressources ou de délai d'exécution seront autant de contraintes sur les limitations de ces mêmes ressources lors de la constitution du plan d'actions.

  • Les champs de risque

    Ils vont décrire les caractéristiques initiales du risque auquel répond l'action et l'efficacité prévisible de cette action sur ce risque.

    L'évaluation classique des risques passe par la détermination de la probabilité d'occurrence et de ses conséquences prévisibles. Elle est donnée par la formule: Risque = probabilité x dommages. Mais si la gravité et plus généralement les conséquences prévisibles sont assez bien perçues par les décideurs et les spécialistes, il en va souvent autrement des probabilités. Cette notion est souvent jugée trop mathématique, trop difficile à évaluer, surtout pour des probabilités très faibles (cas fréquent dans notre domaine), difficile à corréler à une signification physique. Les biais de compréhension sont nombreux (indépendance, situations exceptionnelles, etc.). De la même façon les décideurs ont une certaine « imperméabilité aux estimations de probabilités ». Ils font généralement bien plus grand cas des conséquences que des probabilités d'occurrence. C'est pourquoi il est préférable d'utiliser un système de probabilités intégrées aux conséquences. Les spécialistes vont évaluer une caractéristique appelée potentiel de dommage. Le potentiel de dommage correspond aux conséquences probables de l'événement non souhaité sur les différents enjeux. Suivant le niveau de décision considéré, il peut être nécessaire de regrouper des approches risques différentes qui vont aboutir au même domaine d'enjeu. Par exemple le domaine réglementaire regroupe des éléments très divers comme la sécurité incendie qui représente un risque fort en matière de sécurité des biens et des personnes et un risque sur l'accessibilité qui plutôt un risque en matière juridique et pénal. Il devient alors nécessaire de proposer un système de notation simple qui résulte d'une agrégation de risques élémentaires. On propose plutôt d'utiliser une note pour évaluer les potentiels de dommage, par exemple gradué de 1 à 4.

Notons qu'il est possible dans un système complexe de poser des contraintes entre les actions, par exemple pour exprimer le fait que deux actions ne peuvent réalisées simultanément, ou à l'inverse, si la première est réalisée, alors la seconde doit l'être aussi.

Le tableau suivant montre un exemple d'actions de réduction de risque qualifiées.

La première action, mise en conformité du réseau d'eau surchauffé, se rapporte au lot Confort climatique ( CC).

L'événement non souhaité serait d'une part une atteinte aux personnes, d'autre part le non respect de la réglementation.

Cette action agit essentiellement sur l'enjeu réglementaire, en le faisant passer du niveau 2 au niveau 4.

Le deuxième exemple d'action agit sur deux domaines d'enjeu, la valorisation du bien et la satisfaction client, en les faisant passer du niveau 2 au niveau 3.

Exemple d'actions de limitation de risque correctement qualifiées
Exemple d'actions de limitation de risque correctement qualifiées[Zoom...]

L'arbitrage entre les actions

Il est évident que le gestionnaire, lorsqu'il élabore le plan d'actions pluriannuel de réduction des risques, se trouve devant un problème contraint, pour lequel la demande dépasse largement les moyens.

La phase d'arbitrage entre les actions prend alors une importance clef dans la phase d'élaboration du plan d'actions. Ceci est d'autant plus vrai que d'un coté le contexte économique est toujours plus contraint, de l'autre le niveau d'acceptation des risques diminue, ce qui se traduit notamment par une augmentation de la pression réglementaire.

Le problème se présente donc classiquement comme un problème d'analyse multicritère pour lequel, il n'existe pas de solution unique.

Franck Taillandier dans son travail de thèse propose une démarche selon deux approches complémentaires.

« Elaboration d'un plan pluriannuel de maintenance d'un parc immobilier sur la base d'un arbitrage par les risques -F. Taillandier, G. Sauce, R. Bonetto - XXVIe Rencontres Universitaires de Génie Civil. Nancy, 4 au 6 juin 2008. »

Cette méthode (cf. schéma suivant) se propose, par l'utilisation d'une interface ergonomique et dynamique, de faire construire au décideur sa solution. Le principe se place dans une démarche de simulation, au sens ou le décideur va comparer différentes options envisageables. Il ne s'agit pas seulement de comparer différentes solutions déjà entièrement construites, mais de comparer des solutions partielles. En fait le décideur disposera de fonctions de tri (filtre) qui lui permettront de sélectionner des actions. Il pourra à tout moment comparer l'utilisation de différents filtres, afin d'acquérir une vision multidimensionnelle du problème. Le principe de la méthode va reposer sur deux logiques complémentaires que l'on va combiner. Une logique unitaire considérant chaque action séparément et les mettant les unes face aux autres, et une logique globale considérant des ensembles d'actions (combinaisons).

La logique unitaire a pour objectif d'identifier les affaires fondamentales, c'est à dire, les affaires paraissant obéir à une impérieuse nécessité soit parce qu'elles répondent à une urgence (risque très important), soit parce qu'elles sont particulièrement efficientes, ou soit parce qu'elles s'intègrent à une stratégie globale d'entreprise. Le principe de cette logique repose sur des filtres (filtres primaires) sélectionnés par le décideur qui vont lui permettre de catégoriser les affaires. Les filtres reposent sur des critères risques. Il peut alors décider de retenir ou non les affaires proposées. Dans la même logique, le décideur peut aussi identifier les affaires qu'il juge les moins opportunes à réaliser, c'est à dire celles qu'ils ne souhaitent pas intégrer au plan (à l'année considérée). Cela peut être dû à des raisons de coût, d'efficacité, etc.

La logique globale a pour objectif de rechercher une optimisation des ressources et de l'efficacité dans le paquet d'affaires restantes. Deux étapes composent cette approche globale. La première consiste à élaborer des combinaisons sur la base de contraintes, par exemple saturer le budget, répartir une activité entre corps d'état. La deuxième consiste à mettre à disposition du décideur des filtres (filtres secondaires) qui lui permettent de détecter la combinaison d'affaires qui présente le meilleur compromis entre les différents critères. Ce choix doit être vu dans une optique d'optimisation du plan global.

Démarche d'arbitrage du plan d'actions
Démarche d'arbitrage du plan d'actions[Zoom...]

Deux conditions sont essentielles pour la phase d'arbitrage :

  • Avoir une granulométrie d'action homogène à un niveau donné

    Il ne faut effectivement pas comparer des actions de 5 000 € avec des actions de 500 000 €. De plus les actions doivent se rapporter à un même niveau dans la hiérarchie des objets patrimoniaux. On ne peut pas mélanger des actions qui porteraient sur un équipement et d'autres sur un bâtiment.

  • Les actions doivent être indépendantes

    Pour pouvoir analyser les actions par groupe, il faut considérer que les effets des actions peuvent se superposer.

Pour le traitement d'un plan pluriannuel, on considérera successivement les différentes années en commençant par la première. On reproduira ainsi autant de fois qu'il sera nécessaire la méthode d'arbitrage en prenant à chaque fois en compte le passif (affaires programmées les années précédentes).

Les filtres sont basés sur des valeurs calculées à partir des caractéristiques des actions. On parlera d'urgence réglementaire, d'efficacité importante, ou encore de rendement important dans la logique unitaire, et de maximisation de la conformité réglementaire, de l'efficacité ou du rendement et de minimisation de la criticité ou du coût global dans la logique globale.

Le suivi du plan d'actions

Pour conclure sur la plan d'actions de limitation des risques, il ne sert à rien de prévoir si l'on ne suit pas ce qui se passe.

Il est donc important pour le gestionnaire de boucler l'approche de maîtrise des risques par un suivi de la réalisation des actions.

Cela lui permet  :

  • de réagir pour recaler le plan d'actions si nécessaire.

  • d'introduire au cours du déroulement du plan de nouvelles actions que l'aggravation soudaine d'un risque rendrait indispensable.

Enfin, le suivi permet aussi d'obtenir le retour d'information sur l'analyse de risque, c'est à dire d'actualiser l'état risque, en fonction de la réalisation effective des actions, et par la même de boucler l'activité de maîtrise des risques.

Conclusion (page suivante)Le tableau de bord de suivi des risques (page Précédente)
AccueilImprimerRéalisé avec SCENARI